Les musiques électroniques ont tendance à vieillir plus rapidement que les autres. Comment éviter de tomber dans cette obsolescence quasi-programmée ? En utilisant avec brio des sonorités ouvertement datées, comme Harvey Sutherland sur son album « Boy ».
Quand une esthétique est basée sur la sculpture du son plus que sur le sens de la composition ou la finesse de l’écriture, la patine du temps est plus audible, et un simple effet devient aussi parlant qu’une datation au carbone 14. La faute aux évolutions des logiciels et du matériel utilisés pour la création musicale, aux nouveautés qui un jour ne sont plus nouvelles, aux modes qui se démodent.
Les tendances évoluent, mais les souvenirs restent. La nostalgie peut se réveiller à tout moment, laissant la porte ouverte à un retour en grâce de goûts venus d’un passé plus ou moins lointain. Le recommencement permanent, c’est aussi l’opportunité de rajeunir certaines formules éprouvées.
Dans son album « Boy », Harvey Sutherland propose ce qu’il appelle un « funk névrotique », qui sent bon la boule à facette, mais sans la sueur de la discothèque. Un voyage dans le temps intériorisé, qui préserve la valeur de la pulsation, mais sans la noyer dans l’exubérance.
Enfin, on a quand même droit à certains débordements d’énergie irrésistibles, comme quand il invite DaM-Funk sur « The Feeling of Love » pour ressusciter George Duke dans sa période à succès.
Même dans les moments où il calme le jeu, l’album insuffle une vibration accueillante, et dévoile un potentiel évident pour accompagner toutes les situations sans prise de tête.
Pour danser seul dans sa cuisine, en attendant que la cuisson des pâtes soit idéale. Pour une longue virée en voiture au milieu de paysages grandioses. Pour une séance de sport rythmée, mais sans atteindre le stade de la douleur. Pour apporter la touche finale à un travail de longue haleine, en pensant au petit verre qu’on va se servir en récompense. Pour se chauffer l’esprit en rejoignant ses potes avant une soirée pleine de promesses. Pour diriger ses pensées intérieures, et se donner les moyens de regarder ses névroses avec bienveillance.
Ce disque est accessible et immédiat, propre mais indéniablement chaleureux, à la lisière du kitsch mais désarmant de sincérité, funky à l’ancienne mais étrangement moderne.