Le besoin de s’exprimer ne passe pas forcément par la langage, et de nombreuses formes d’abstraction nourrissent un vocabulaire de l’indicible. En élargissant le spectre des perceptions sans prononcer la moindre parole, « Unspoken Words » montre le talent de Max Cooper pour développer une éloquence du son, et produire une musique presque visuelle tant elle construit des images qui comblent les espaces inexplorées de nos inconscients.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si sa musique s’inscrit dans une démarche artistique plus large, qui ausculte sans relâche les nouvelles possibilités offertes par la technologie, en étroite coopération avec des vidéastes qui partagent le même goût pour les expériences inédites dans les recoins vacants de l’imaginaire.
On se jette dans cet album comme dans un précipice magique, où l’on flotte dans des vagues de sonorités détachées de toute réalité organique, des nappes de textures musicales à la physique surprenante, des turbulences éparses qui rendent les repères directionnels obsolètes.
Aucun repère entre les pleins et les vides, les projections subliminales et les messages neuronaux, la réponse émotionnelle et l’analyse rationnelle. C’est une ascension spirituelle qui trouvera un écho différent dans chaque individu, qui devra trouver son propre lien avec une esthétique qui ne donne pas de clés de compréhension.
Pour autant, le propos n’est pas neutre. Max Cooper a voulu mettre en forme nos sensibilités complexes, nos émotions discordantes, nos opinions incohérentes, nos impressions paradoxales, et tous ces moments où nos mots échouent à donner du sens à nos expériences. « Unspoken Words », comme son nom l’indique, veut aller à la rencontre de ce qui ne peut pas être exprimé autrement que par une sensation abstraite, et proposer un terrain commun qui transcende les langues du monde.
Il s’inspire ouvertement des travaux du philosophe Ludwig Wittgenstein sur les limites du langage, tout en refusant que les ces limites correspondent aux limites de notre connaissance du monde, tout en s’opposant à ce que ce qui ne peut pas être dit doit être passé sous silence. Bon, il utilise quand même des mots pour en parler dans la vidéo de « Symphony in Acid ».
Et si le langage a d’évidentes limites, qui en plus ne sont pas les mêmes pour tout le monde, Max Cooper veut montrer que notre vécu va bien au-delà des mots. Qu’il est une affaire de ressenti, d’émotions, d’observations, de tous ces apprentissages qui se passent d’explications. Toutes ces formes indéfinissables que l’art, l’abstraction et les expérimentations contribuent à enrichir.