Parfois, des talents exceptionnels peuvent émerger du néant. Des vocalistes, instrumentistes, et auteur-compositeurs hors-normes peuvent se révéler du jour au lendemain, à la faveur d’une vidéo postée sur les réseaux sociaux, d’un télé-crochet ou d’une rencontre fortuite avec un producteur. Mais à la première écoute de cet album de King Garbage, on se dit qu’un travail aussi abouti ne peut pas sortir de nulle part. Alors pourquoi est-ce qu’on n’a jamais entendu parler de ce groupe avant de recevoir cette énorme claque ?
Renseignements pris, le groupe ne sort effectivement pas d’un quelconque chapeau magique surgi des abysses inexplorés de la musique. Le duo derrière ce nom énigmatique a déjà co-écrit et produit des chansons pour The Weeknd, SZA, Travis Scott ou encore Ellie Goulding, ce qui pèse quand même quelques dizaines de millions d’albums vendus (ou quelques milliards de streams).
On comprend mieux le savoir-faire insolent affichée sur « Heavy Metal Greasy Love », qui comme toute technique parfaitement maîtrisée, sert à paver son propre chemin en s’épargnant les effets spectaculaires et les démonstrations inutiles.
Cet album affirme sa volonté d’être inclassable, de faire résonner des merveilles de subtilité tout en donnant l’impression d’avoir été enregistré dans une chambre à coucher. Il convoque des influences rétro, mais avec une manière très contemporaine de les déstructurer.
C’est un lieu d’expérimentations sonores qui fournit des idées à la pelle pour réinventer la production musicale et la faire sortir de ses automatismes désincarnés, un manifeste où la basse fidélité, l’inventivité structurelle et l’imagination rythmique apportent un grain organique salvateur pour toutes les oreilles attentives.
Chaque titre réserve des trouvailles surprenantes et des évolutions inattendues, et pourtant tout est parfaitement à sa place, dans une mécanique d’horloger où chaque pièce a son importance. Y compris sur la singulière ballade tropicale « Busy On A Saturday Night ».
Un dernier détail achève de rendre ce disque irrésistible : son chanteur. Souvent, les travailleurs de l’ombre de l’industrie musicale livrent des galettes tout à fait respectables, mais ont rarement une voix qui s’alignent avec leurs aspirations artistiques. Ce n’est pas le cas de King Garbage. Vic Dimotsis est non seulement un batteur fantastique, mais sa voix est chaleureuse, expressive et versatile, ajoutant l’âme nécessaire pour parfaire l’ensemble et faire de « Heavy Metal Greasy Love » l’une des sorties les plus mémorables de cette année.